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Vous trouverez ci-dessous des textes que j'ai écrits pour approfondir certains aspects de la mentalité ou de la culture japonaise :

 

        1. Comment travailler de manière efficace et en bonne intelligence avec votre partenaire japonais ?

        2. Petite histoire du masque au Japon et ailleurs

        3. Interculturalité France - japon ou l'art de comprendre l'autre

 

 

COMMENT TRAVAILLER DE MANIÈRE EFFICACE ET EN BONNE INTELLIGENCE AVEC VOTRE PARTENAIRE JAPONAIS ?

 En tant qu'interprète je me suis aperçue que les réactions ou commentaires des japonais pouvaient surprendre les français et vice et versa. Les questions qui reviennent le plus souvent de la part de mes clients : pourquoi ont-ils réagi comme cela ? En agissant de telle manière, allons-nous, les avons-nous froissés ou gênés ?  Il vous faudra d'abord essayer de comprendre la mentalité japonaise pour pouvoir vous y adapter et pour cela je vais résumer en trois points les principales qualités des japonais au travail :

1) Une attention portée à l'extrême pour les détails.

2) Une capacité à tout planifier et à exécuter ces plans.

3) Respect de la parole donnée une fois la relation de confiance établie.

 

1) Une attention portée à l'extrême pour les détails

Cette attention portée aux détails fait que, sur un point qui semblera anodin, les japonais resteront bloqués. Ils continueront à poser des questions sur ce point bien précis qui semblera être pour les français sans importance jusqu'à obtenir la réponse désirée ou la confirmation que vous n'allez pas dans leur sens. L'audit, la réunion etc n'avanceront donc plus sans des éclaircissements sur "ce point de détail". Il ne faut donc jamais les négliger ni même penser que ce sont des détails car pour votre client ce n'en est pas un.

 

2) Une capacité à tout planifier et à exécuter ces plans

La capacité à planifier est une excellente chose mais l'envers de la médaille peut être le manque de flexibilité. Une fois les choses décidées, un programme doit être exécuté.

Je vais illustrer ce manque de flexibilité par une anecdote qui m'est arrivée récemment en 2021 dans une usine lors de réunions en visioconférence pour une formation. Au bout d'un peu plus de deux heures d'interprétariat non stop j'ai demandé une pause car je commençais à avoir du mal à me concentrer. Une pause de 15 minutes était prévue à 10 :15 mais nous avions commencé un peu plus tôt que d'habitude et nous pouvions donc l'avancer. Notre interlocuteur japonais a semblé un peu embarrassé par ma demande mais il nous a donné 10 minutes. A 9 :50 nous avons repris et à 10 :15 on nous a annoncé la pause officielle de 15 minutes !

J'ai beaucoup d'autres exemples de ce type en réserve. Vous devez comprendre qu'avec vos clients japonais il ne sera pas facile de changer de plan un fois qu'il sera fixé.

En général les japonais n'aiment pas l'improvisation et les changements sauf s'ils ont été pensés, soupesés et approuvés par le groupe. En effet, si un problème surgit suite à un changement, à qui la responsabilité en incombera-t-elle ?

Dans certains cas les japonais vous répondront que votre manière de faire semble bien, voire intéressante mais qu'au Japon on ne fait pas comme ça. Valider une nouvelle manière de faire prend énormément de temps.

 

 3) Respect de la parole donnée une fois la relation de confiance établie

Les français ont tendance à penser qu'un japonais qui a donné sa parole ne se dédiera pas. Effectivement mais uniquement si vous travaillez avec lui depuis longtemps ou si vous êtes son client.  Dans le cas inverse il vous dira simplement qu'il n'a jamais dit cela et que c'est vous qui l'avait interprété de cette manière. C'est la position clients / donneurs d'ordre qui est importante.

Je vais illustrer cela par un exemple. Il y a quelques années, je suis intervenue sur un chantier et à ce moment précis les relations entre les français et les japonais s'étaient tellement détériorées que le travail s'est arrêté. Il y avait un réel problème de communication alors qu'ils se parlaient en anglais. Il a fallu rétablir la confiance des deux côtés et leur expliquer à chacun les différences de mentalité et comment interpréter les comportements.

Pour revenir à la parole donnée, il fut décidé qu'après la réunion qui avaient lieu tous les soirs, les actions du lendemain ainsi que les moyens utilisés écrits sur le paperboard seraient pris en photo pour qu'il n'y ait aucune contestation. Ce n'était pas difficile à comprendre, il s'agissait de reporter toutes les fautes possibles sur les français pour que les pénalités financières pèsent sur eux. En général, quand il y a un enjeu financier il ne faut jamais croire à la parole d'un japonais mais c'est valable pour toutes les nationalités.

 C'est en fait assez facile de travailler avec des japonais à partir du moment où vous avez conscience de ces différences et que vous les prenez en compte. Il est important de rester souple et de montrer que vous faites des efforts pour les comprendre, ils apprécieront et ils en feront aussi.

 Tous ces propos sont issus directement de mon expérience professionnelle en tant qu'interprète et je peux vous aider à communiquer avec vos partenaires japonais et aplanir les différences liées à leur culture.

 

 

Petite histoire du masque au japon et ailleurs

     

En cette époque de pandémie je me suis posée la question du masque. En tant qu'interprète j'ai vu, bien avant l'épidémie de coronavirus, des clients japonais venir à des réunions masqués sans être forcément malade. Quel est donc l'origine du masque au japon et pourquoi les japonais l'utilisent-ils depuis si longtemps ? Les raisons se trouvent souvent dans l'histoire d'un pays.

Pour le japon en 1918, lors de l'épidémie de grippe dite espagnole, le gouvernement incitait déjà les citoyens à porter un masque pour se protéger efficacement de la contamination.

 Sur les affiches gouvernementales il était écrit :

 " il faut avoir peur du virus de la grippe qui sévit en ce moment. Sans masque vous risquez la mort !” (Photo ci-dessus)

 Au japon les premiers masques n'étaient pas à vocation sanitaire mais ils étaient portés dans les usines ou les mines de charbon pour se protéger des poussières. Il sera utilisé pour limiter la contamination des virus à partir de la pandémie de grippe espagnole.

 

1) Histoire succincte du masque à vocation médicale 

L'histoire moderne du masque diffère selon les sources. Pour les japonais et les anglophones, ce sont les américains qui ont pensé les premiers à faire un masque médical (en dehors de ceux du 16 ème siècle contre la peste), pour les français c'est un français M. Henrot en 1868 qui y pensera (réf Gallica https://gallica.bnf.fr/blog/12052020/sortez-masques-histoire-mediatique-du-masque-de-protection?mode=desktop)

 Difficile de trancher mais il y peu de renseignements sur ce M. Henrot. Je prendrais donc la version japonaise qui est en fait la version américaine.Le point de départ du masque médical viendrait donc d'un médecin américain A.J. Jessup en 1878. Il écrira dans un mémoire que le port de masque en coton permet de réduire le risque de contamination. Puis en 1905 une physicienne américaine, Alice Hamilton, écrira un article sur le nombre de bactéries streptocoques expulsée lorsque des patients atteints de scarlatine toussaient ou pleuraient. Suite à cela, elle recommandera également le port du masque lors d'actes chirurgicaux.

 

Cette idée sera reprise en 1910 lors de la peste de Mandchourie par Wu Lien-Tehun un médecin malaisien d'origine chinoise ayant étudié à Cambridge. Il évoqua l'idée de la transmission de l'épidémie non plus par les puces mais par l'air. Suite à cela un médecin militaire français qui était sur place, Gérald Mesny, qui ne croyait pas à cette théorie se rendit dans un hôpital sans masque. Il sera contaminé et mourra quelques jours plus tard. C'est à partir de ce moment que la Chine commencera à se "masquer".

 

2) La grippe espagnole et le port du masque au Japon et en Europe

 Pour le japon c'est donc la grippe espagnole qui lancera le masque à utilisation médicale.

Le premier cas de grippe espagnole commencera sur un bateau militaire ancré au port de Yokosuka puis la maladie se propagera au port de Yokohama pour ensuite contaminer le pays tout entier. Entre 1918 et 1920, 43% des japonais seront contaminés et 390 000 en mourront. Les masques portés jusqu'à présent sur les lieux de travail commenceront à être mis pour se protéger de l'épidémie.

 Les mesures prises lors d'épidémies changent peu avec le temps et lorsque l’on lit Les directives du gouvernement japonais en 1919 elles pourraient être encore d'actualité.

 Recommandations du ministère de l'intérieur japonais il y a 102 ans  (Traduction) :

 Comment la grippe se propage :

- Elle ne se transmet de personne à personne. Les malades en toussant ou en éternuant postillonnent autour d'eux des minuscules gouttelettes (3,4 také, unité de mesure qui correspond à un mètre environ). Ceux qui les ingèrent tomberont malades.

 Mesures barrières pour ne pas tomber malade :

1) Ne pas s'approcher des malades ou personnes susceptibles d'être malades ou encore de personnes toussant.

2) Ne pas s'approcher de rassemblement de personnes

3) Mettre systématiquement une protection sur le système respiratoire (masque) ou un mouchoir sur la bouche et le nez dans les endroits bondés, le métro et le train.

 Si vous êtes malade que faire :

1) Si vous pensez être malade mettez-vous tout de suite au lit et appelez le médecin.

2) Dans la mesure du possible mettez le malade dans une chambre séparée.

En dehors des personnes s'occupant du malade (médecin et soignants) personne ne doit rentrer dans sa chambre.

3) Le malade ne doit pas sortir de chez lui tant qu'il n'a pas l'autorisation du médecin même s’il se sent mieux.

 Lors de l'épidémie de grippe espagnole un grand nombre de pays européens ainsi que les États Unis conseilleront le port du masque mais cela ne restera pas ancré dans la mémoire collective contrairement au Japon. La France sera particulièrement rétive en 1919 au port du masque contrairement à l'Angleterre.

 

3) 伊達マスク "Daté mask" où "le masque de coquetterie" ou encore le masque barrière (pour se protéger du regard des autres).

 Le mot Daté mask est utilisé lorsqu'une personne met un masque pour un usage qui n'est pas sanitaire.

Selon le professeur Yohei Harada qui a étudié le phénomène en 2010 cela touche surtout les jeunes. Avant l'épidémie de coronavirus 30 % des personnes masquées traversant le célèbre carrefour de Shibuya (aux heures de pointe 3000 personnes venant de directions différentes déferlent en même temps) l’étaient pour d'autres raisons que sanitaires. Les raisons invoquées pour le port du Daté mask étaient soit d'ordre psychologiques soit esthétiques :

 Psychologiques : Cela me rassure, si quelque se fâche contre moi je peux cacher mes émotions, c'est rassurant de pouvoir échapper aux regards, mon visage ne me plait pas. Cela me permet d'éviter, lorsque je croise quelqu'un que je connais mais que je n'aime pas, d'être obligé de lui parler ; avec un masque personne ne s'aperçoit que j'ai sommeil au bureau etc ....

 Esthétiques : en été ou au ski cela me permet de me protéger des rayons ultra-violet, avec un masque personne ne s'aperçoit que je ne suis pas rasé ou que j'ai mauvaise mine après une soirée. Mettre le masque pour dormir permet de protéger les lèvres et une partie du visage de la sècheresse, devenir une jolie femme ou un bel homme en ne montrant qu'une petite partie de son visage, cacher sa mauvaise haleine. etc...

 Bien entendu il existait avant la pandémie d'autres raisons de porter le masque : éviter de contaminer quelqu'un lorsque l'on est malade, se protéger des pollens, garder de l'humidité dans la gorge.

 Quoi qu'il en soit le masque semble avoir un bel avenir au Japon et cela même après la fin de l'épidémie de coronavirus. En effet il permet de mettre une barrière sanitaire entre les gens, de ne pas contaminer son prochain mais il semble aussi pouvoir être pour certains japonais un bouclier de protection entre eux-mêmes et le monde, une barrière pour sortir anonyme et ne pas être vu.

 

 

INTERCULTURALITÉ FRANCE - JAPON OU L'ART DE COMPRENDRE L'AUTRE

J'espère pouvoir vous aider par ces explications dans la compréhension de vos partenaires japonais. J'organise également des séminaires à la demande sur le thème de l'interculturalité.

1) Cartes de visite

L'échange de carte de visite est un passage obligé. Or je remarque que les français n'ont souvent pas de cartes sur eux. Ce n'est pas fondamental dans une réunion mais cela permettra à vos clients japonais de comprendre votre position dans le groupe. C'est aussi un geste de courtoisie qui vous aidera, au début de la réunion, à établir un premier contact personnel sans l'aide de l'interprète,  ce qui sera très apprécié.

2) L'apparence du pouvoir et le pouvoir réel

Dans une délégation japonaise la personne ayant le titre le plus élevé n'est pas forcément celle qui a le pouvoir réel. Ce sont les échelons intermédiaires qui vont analyser, proposer et faire remonter la décision. L'apparence du pouvoir et le pouvoir réel sont distincts au Japon, en politique comme dans le business.

3)  Notion du temps

Avec les japonais le rythme peut être plus lent pour une prise de décision.  Le processus  décisionnel est rarement celui d'une personne mais d'un groupe.
Il faut également garder à l'esprit que c'est une société du consensus. Par conséquent il ne faut jamais mettre vos interlocuteurs au pied du mur, ni les obliger à une prise de position immédiate car cela serait voué à l'échec. Il ne faut pas hésiter à multiplier les réunions par Skype pour gagner leur confiance et les amener à faire un choix.

D'autre part Les japonais peuvent affirmer qu'ils n'ont jamais dit ce qu'ils avaient promis dans une réunion précédente. Si cela est possible il vaut mieux mettre les choses par écrit.

4)  Attitude des interlocuteurs japonais

Lorsqu' un client japonais dans une réunion ferme les yeux cela ne veut pas forcément dire qu'il dort. C'est une pose qui indique la réflexion mais qui peut dérouter les français. Il arrive par contre que certains s'endorment vraiment. Cela vous donne une indication sur les personnes qui sont importantes ou non (voir le paragraphe sur l'apparence du pouvoir).

Le refus ou le non recevoir s'exprime de manière subtile et jamais par un Non. A vous de le décrypter et de voir jusqu'où vous pouvez aller dans une négociation sans froisser votre interlocuteur.

5)  Nationalisme

Il faut aussi garder à l'esprit que les japonais sont très nationalistes et n'aiment pas les critiques qui sont faites sur leur pays ou leurs institutions. Ils pensent que seul les japonais peuvent les comprendre et qu'ils sont différents des autres.

Cela s'explique par le fait que le Japon est une île dans un environnement climatique difficile et possède une écriture qui bien que dérivée du chinois est actuellement différente et unique au monde. Contrairement à l'Angleterre qui est aussi insulaire, le japonais n'est utilisé qu'au Japon.
Tous ces paramètres : géographie, climat, langage, histoire (fermeture du Japon pendant 250 ans) ont influencés les japonais et le Japon actuel.

Par contre les japonais sont très sensibles au fait qu'un étranger fasse des efforts pour les comprendre. Ils vous pardonneront la plupart de vos erreurs de conduite mais il y a quelques règles à respecter pour être pris au sérieux.

6) Respect des différences

- Ne pas arriver en retard. Si possible être présent 5 à 10 minutes avant l'heure du rdv.
- Ne pas couper la parole et écouter attentivement votre interlocuteur.
- Ne pas annuler un rdv au dernier moment. Les japonais ne sont pas flexibles.
- Préciser les thématiques du rdv. Les japonais n'aiment pas l'imprévu.
- Importance du suivi dans le temps même si vous ne devez pas faire des affaires tout de suite avec vos partenaires   japonais.
- Faire ce que l'on a promis et dans les temps (par exemple : envoi de documentation).
- Si votre partenaire japonais ne fait pas ce qu'il a promis de faire c'est qu'il n'a probablement pas compris comment  le faire malgré les explications, formations ou modes d'emploi fournis). Vous le dire serait une perte de face. C'est à vous de faire le premier pas.